En voici une série :
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De retour de Jenin vers Bethléem. Nous faisons une halte salutaire au Jérusalem Hôtel à Jérusalem. Nous prenons une table dans le jardin sous la tonnelle à côté de la fontaine aux poissons. On y boit des bières, de vrais cappuccinos et il ya des protections sur les lunettes des toilettes. Un paradis pour occidentaux. D’ailleurs c’est le point de départ d’un tour operator en car pour les territoires occupés et faire connaissance avec la Palestine.
Nous avons rendez-vous à Bethléem et le temps nous presse. Nous laissons Olivier à Jérusalem pour faire des photos.
Check point de Bethléem, les gens sortent et rentrent indifféremment par les deux tourniquets ouverts donc dans les 2 sens. Côté efficacité, on a vu mieux.
Dans la guérite, une jeune fille elle doit avoir 18 ans. Elle est menue, pas vraiment jolie, pas vraiment laide non plus, elle porte des lunettes, a les cheveux courts. Elle est très autoritaire. On dirait un petit garçon qui se donne des allures d’homme. Elle a l’air passablement agacée, je comprends son job est chiant comme la mort. Nous sommes quelques touristes dans la file. Elle nous dit de passer en coupant la file devant les palestiniens.
Emilien lui dit: “Let them pass and after we go”.
Un homme lui dit merci. Une des touristes est passée.
La jeune fille vérifie bien minutieusement, consciencieusement, les passeports, visas, permis, autorisations.
Dans l’autre sens, deux touristes occidentaux. Lui porte des dreds blondes sur des yeux bleus. Elle est grande et belle.
La jeune fille dans la guérite regarde, examine, scrute les passeports.
« Wait » Les deux touristes s’écartent de la file.
Un palestinien passe dans l’autre sens, il met sa main dans la machine et de l’autre main colle son laisser-passé sur la vitre.
La jeune fille ne le regarde pas.
Elle parle à la touriste. « There’s a problem with your visa. It’s not good. It’s finished the 22nd of july .
Yes, but we are the 19th. There’s 3 days left.
It’s not good.”
Elle se recroqueville tant sur ce passeport qu’elle pourrait entrer dedans.
Le palestinien a toujours sa main dans la machine et l’autre plaquant son laissé-passé sur la vitre. Il lui parle. Elle aboie « Talia ».
Cette machine est une machine à reconnaissance biométrique. En mettant sa main, l’identité s’affiche automatiquement sur l’écran de l’ordinateur avec l’autorisation de passer ou non. Si le palestinien a son papier mais que la machine dit non. C’est la machine qui a raison. Je me demande si ce système informatique est fiable à 100%.
La jeune fille demande à son voisin de guérite de confirmer la non-validité du visa qui expire dans 3 jours.
Il regarde : « Non, c’est bon.
Ce n’est pas bon. »
LA bestiole est obstinée. Le palestinien n’a pas changé de position. Il n’a pas le temps de lui dire quoi que ce soit. « Talia ».
Elle appelle par téléphone son supérieur. 2 minutes. Le palestinien n’a pas bougé.
Le supérieur a peut-être 20 ans. En le voyant, Emilien dit : « She did a mistake and she bloc all the line. »
C’est dit, avoué aux yeux de tous. Elle a fait une erreur.
En entrant dans la guérite, il attrape une télécommande. Oui, la clim’ est trop basse. Le palestinien passe enfin. Elle présente le visa à ce que je crois être un caporal. « C’est bon, laisse là passer ».
Elle a perdu la face ; Elle rend le passeport en aboyant Go.
Tous les jours passent des centaines de personnes par ces check point. Tous ces humains sont traités comme des données par des machines supervisées par des gamins pas encore sortis de l’adolescence et a qui ont a filé des M16 chargés.
On n’a pas autre chose à faire avec des gamins de 18 ans ?
Jour 6 –rencontre
A Bethléem, nous avons rencontré un groupe de danseurs. Cela fait un an et demi que le groupe est constitué. Ils sont jeunes, ils font également du théâtre. Ils sont tous amateurs et viennent s’entrainer presque tous les jours de 16 à 20h. Emilie et moi assistons à un cours. Ils sont plein d’envie, plein de vie. Ils sont rigoureux, reprennent les mouvements, cherchent à trouver le rythme. Tout ce fait dans la bonne humeur. Il y a autant de filles que de garçons.
Ils nous montrent un morceau du spectacle qu’ils ont joué récemment. Ils donnent beaucoup d’énergie, de joie. Je les trouve beaux. Nous parlons du projet, il y a de l’écoute de l’enthousiasme. Nous prenons des témoignages.
Un danseur nous dit : « I dance every day , because I feel free The occupation never destroy that.”
A ceux qui se demandent pourquoi danser, viola la réponse. Il n’ya pas ici le luxe du caprice d’artiste gâté. Danser ici c’est la vie.
Nous parlons avec une autre personne qui est danseuse elle aussi. Elle nous parle d’un spectacle sur le MUR qu’ils ont écrit et joué. Ils avaient commencé le spectacle en déchirant toute leur pièce d’identité. Non, ce n’était pas leur identité, ils ne se résument pas à la carte verte. Elle a beaucoup d’émotion lorsqu’elle en parle. Plus j’avance et plus je pense qu’il faut laisser une grande place aux artistes palestiniens lors de l’écriture du projet. Pour qu’ils puissent danser un espace libre.
C’est bon de voir danser.
Jour 6 – Départ
Je pars demain. Je ne suis resté que 7 jours dans ce(s) pays. Certains font un monde en si peu de temps. Moi, j’ai juste croisé des regards, des sourires, des rêves, des larmes, des fiertés, de belles humanités.
7 jours me paraissent peu comme tombée de l’avion hier et une éternité, avec l’impression d’avoir débarqué il y a des années.
Je regarde les paysages avec encore plus d’acuité. Sur la route de Ramallah une école pour non-voyant. Je ne sais pas se c’est une école qui apprend à ouvrir les yeux. Je me dis que si c’est le cas il en faudrait plus à travers le monde.
A côté du check point de Ramallah, il y a une toile tendue, un aspirateur et des jerricans d’eau. C’est une station de lavage pour auto. S’il y a trop d’attente au check point, tu peux au moins faire laver ta voiture.
Des porteurs de thé dans les villes avec des tas de fleurs artificielles sur la théière géante qui doit forcément porter un nom et que je ne connais pas.
Les gamins qui vendent 1 shekel des cornets de bonbons.
Les boutiques de lingerie coquine qui côtoient les boutiques de voiles et manteaux musulmans.
Les fallafels, kebab, houmous que l’on a mangé à chaque repas.
Les grillages, les barreaux, les barbelés.
Un seul voile intégral.
Des voitures cabossées.
Des taxis jaunes communs ou individuels qui filent à toutes allures.
Les auto-stop payants, des particuliers qui arrondissent leur fin de mois en faisant le taxi improvisé.
Des soldats aux visages d’anges et aux M16 chargés.
Les souks.
La chaleur des gens.
Je prends tout ça avec moi.
Je m’envole dans quelques heures pour Manchester, je retrouve l’Europe avec ses codes.
Je laisse « mon groupe » continuer l’aventure, ils me raconteront.
Jusqu’au prochain voyage. On m’a dit que c’est un pays qui colle à la peau. C’est vrai.
Ce pays me colle déjà à l’âme.
On se lève à une heure raisonnable. On déjeune, on récupère de la veille. On dérushe les photos. Presque 11h. On va à Bethléem à la recherche d’une connexion internet. On trouve un cyber café grâce à de jeunes du quartier.
Un des jeunes hommes demande à Emilien :
« Where are you from ?
France.
France ? OK. You’re welcome.
Il rajoute : Moi je t’aime !
Je crois qu’Emilien a une touche.
La connexion internet est un TPBD – un Tout Petit Bas Débit- et ça rame comme pas possible.
Connexion au monde quelques minutes. Les flics ont chargés une manif de pompiers à Nice, Bernard Giraudeau est mort. Mise en ligne du blog.
On va se balader dans le marché de la vieille ville. On mange, on visite l’Eglise de la Nativité.
C’est Orthodoxe. Il y a une police des touristes qui dirige le flux et fait bien attention à ce que personne ne s’écarte du chemin dédié. Nous ne descendons pas voir le berceau, trop de monde.
Le pope fait un tour d’encens.
Nous sortons dans le cloître, nous entendons Douce Nuit en Italien.
C’est une messe de Minuit de Noël à 15h en plein mois de Juillet.
Le prêtre sort un baigneur en plastique que des fidèles embrassent. D’autres prennent des photos de l’office. Je ne sais pas où je suis. C’est le moment de l’eucharistie mais je ne sens pas la communion. Les rituels physiques m’avaient intéressés et même nourris jusqu’à présent, car ils étaient reliés à l’intime. Là connexion est factice, encore un TPBD. Assister à une messe à Bethléem est pour un croyant, j’imagine quelque chose d’important. Pas un passage obligé pour les cars de tourismes de tour operator catholique.
Nous sortons. Direction notre rdv avec « Les Combattants pour la Paix ». C’est une organisation crée par d’anciens combattants israéliens et palestiniens qui se battent pour la paix. La plupart ont fait de la prison pour avoir refusé d’avoir continué leur service militaire.
Dans la salle se trouvent des israéliens et des palestiniens. Là, je sens la communion, quelque chose de possible. Enfin.
Lisie Philip