16.07.10
Je suis entré dans le corridor grillagé
Observé le vieux
La vieille
L’enfant
Le nourrisson
L’homme et la femme mure
Travailleurs arrêtés stoppés parqués
J’ai senti le temps passé
Sans bouger
Deux heures
Trois
Le soldat qui m’observe filmé
Le soldat qui me parle gêné
Embarrassé
Et les autres pressés bousculés
Ma caméra enfermée libérée enfermée
La jeune fille qui se coiffe
Soldat au féminin
Filmé enregistré
La jeune femme qui se coiffe lascive
Etonnée par mon regard
Lessivé
Et moi qui insiste
Accusateur Parqué observé
Sans bougé deux heures
Peut-être trois
Et l’ailleurs inconscient
Et l’ailleurs en même temps
Absent
Et le vieux la vielle l’enfant
Et les gaz qu’on respire
Qui brulent deux minutes
Et l’ailleurs présent
Touristes engagés
Militants en sandales
Et les gaz projetés
Mes pieds qui me portent
Ma gorge qui pique gratte
Mes poumons qui crachent
Mes yeux fermés brulent
Et le vieux la vielle l’enfant
Et ma caméra qui enregistre
Mon micro
Mes papiers
Cinq fois sortis montrés rangés
Et le soleil
L’homme qui n’habite pas sa maison
Détruite programmée
Et sa femme qui sourit à demi dents
Mes amis
Mes collègues
Mes soupirs
Leurs pleurs
Leurs certitudes
Et les miennes
Et les miens ailleurs
Mes papiers
Sortis montrés rangés
Et le jeune armé
Fier apeuré
Et le soleil
Le café dans la maison
Détruite programmée
Les clés gardées
Des maisons souvenirs
Ses enfants sa femme
Mon micro
En arabe en anglais en français
Ma caméra
Mes pieds qui me portent
Bousculés échaudés
La mémoire qui flanche
Les mots qui cherchent leur place
Et le temps qui passe
Lentement
Le mur qui sépare
Serpente
« Djédal » en arabe
Et le vieux la vieille l’enfant armé
Et les gaz
Fumée
Et le relâchement
Le whisky ne parvient pas à m’enivrer
Journée terminée
Parquée bousculée gazée
Mes amis mes collègues
Et les miens ailleurs absents
Pleurs
Disputes
Respect
En français protégé
Et l’ivresse qui tarde à arriver
Emilien Urbach
photo : Emilie Pirdas