Sans titre 2


Je suis fatiguée, je dors mal.
Nous sommes à Bethlehem au camp de réfugiés d’Aïda. Nous connaissons le centre Al Rowwad, un centre culturel dirigé par Abed fattah Siour .
Nous sommes au mur, je pleure. Ca y’est, c’est bouclé. En 2002 il n’y avait rien, juste une tranchée dans le sol, en 2003 il y’avait des grillages où jean Michel un ami s’est cassé la gueule, en 2005 le mur, en 2010 le mur se tient debout et enferme la ville.
Je lâche mon appareil photo. Ce filtre de protection m’abandonne, je le regarde en vrai avec mes yeux. Je commence à penser…
« Qu’est ce que je fais là ? Pourquoi ? L’événement autour du mur , oui c’est ça…
Je sais pas…J’arrête, je continue… » Je reprends mon rôle de photographe. Un filtre de protection…
Nous sommes tout petits, nous sommes tous petits…
Nous retournons à Bethlehem, nous passons voir Adnan, il tient un magasin de « souvenirs », il nous accueille, nous plaisantons, ça fait du bien … Nous rencontrons Maïssoun, sa fille qui nous parle pendant 3 heures… Une vraie torture !!!! Elle a une diarrhée verbale …



Samedi dernier nous sommes allés à Beit Jala. Nous avons rencontré les Combattants pour la Paix une association israélienne pacifiste. Elle fait un travail de jumelage avec des villages palestiniens et se bat contre l'occupation... Israéliens et palestiniens se retrouvent et font un travail basé sur le dialogue et le théâtre-forum. Les israéliens se posent la question sur leur identité arabe.
Je suis heureuse d’avoir rencontré des israéliens et des palestiniens qui se battent contre l’occupation. Ils cherchent des solutions par le dialogue et le théâtre. Nous avons croisé des résistants et d’anciens combattants palestiniens, d’ anciens soldats israéliens, un membre du Fatah, etc…
Nous recueillons alors quelques témoignages d’anciens soldats et de palestiniens.
La soirée se termine par une danse traditionnelle palestinienne et des exercices de Chen Alon, un refuznik. Il a déserté et a fait de la prison.
Abed du camp de réfugiés d’Aïda (Bethlehem) pense que cette association « Combattants pour la paix » doit régler ce conflit en Israël. Nous lui expliquons les rencontres entre les israéliens et les palestiniens.
« Les échanges c’est bien mais ça suffit pas ! » dit Abed.
Il ne travaille pas avec eux mais pense que les israéliens doivent dialoguer avec leur gouvernement. Il n’a rien contre leur action. Mais la sienne est différente.
Abed revendique son combat en créant des activités et des pièces de théâtre en Palestine axée vers l’international.
Chen Alon le déserteur, pense qu’il faut se battre contre l’occupation et que ces échanges ne suffisent pas non plus.
Je ne suis pas à leur place, j’écoute, je pense.
Le contact avec Chen fut rapide mais il m autorise à utiliser son témoignage publié sur son site internet.
Je compte le recontacter.

Dimanche nous sommes allés à Jenin au théâtre de la Liberté, dans les territoires occupés, en Palestine.
C'est une ville qui a subi de nombreuses interventions militaires israéliennes pendant la seconde intifada.
Nous y sommes allés en 2002 et nous avions vu les maisons détruites par l'armée.
Les enfants se balançaient sur des échelles en fer dans les maisons délabrées. Le souvenir que j’en retiens c’est cette poussière blanche qui fait pleurer les yeux, qui froissent les regards. Comme si ce blanc voulait nous aveugler. La poussière rase les murs, vole .
Cela me fait penser au « Crime du 21 siècle » d’Edward Bond. Pièce dans laquelle j’ai joué avec la compagnie Sîn .
La poussière est blanche. La lumière nous agresse …
Aujourd’hui la vie a reprit dans le camp de réfugiés.
Nous avons raté Juliano, le directeur du centre. Il est à Haïfa.
Dommage. Nous sommes déçus car il participe indirectement au spectacle « Témoignages, compte rendu sensible d’un séjour en Cisjordanie » que nous tournons en France avec Emilien.
Nous diffusons son film « Les enfants d’Arna » après notre spectacle.
C’est sur la vie de sa mère israélienne Arna, qui s’est battue contre l’occupation. Juliano est le fils d’un palestinien et d’une mère juive.
Nous avons rencontré Josh un américain qui a mis en scène
« Men of the sun » avec des étudiants de Jenin. Il nous raconte alors les difficultés, l’organisation des répétitions, avec des jeunes qui subissent la pression, l’occupation.
En effet, ils sont provocateurs et ne distinguent pas la signification de l’autorité. L’autorité d’un conflit, l’autorité d’un metteur en scène.
« Ils sont déconcentrés mais c’est le miroir d’une situation, d’une pression et d’une façon de vivre » me dit Josh.
« Ce n’est pas une mince affaire » nous dit t’il « Mais ça s’est bien passé ».
Il me raconte que lorsque Julianno a monté « Animals farms » de George Orwell il y’a deux ans. La population palestinienne s’est soulevée. Dans la pièce les cochons représentaient l’autorité palestinienne et à la fin de la pièce ils parlaient en hébreu.
Les palestiniens ont voulu brûler le théâtre et sont allés se plaindre à l’autorité palestinienne. Cela montre à quel point la frustration et l’occupation sont présentes dans les esprits.

Depuis lundi dernier nous avons rencontré deux compagnies de danse. La première c’est Diyar à Bethlehem. C’est une jeune compagnie. Nous connaissons le directeur artistique, Mohammed Awwad.
Il a joué avec moi dans « Gilgamesh le tyran qui ne voulait pas mourir » une coproduction franco-palestinienne créée en 2003-2004 avec l’Association Sin. Il est actuellement en tournée.
Dans la compagnie ils sont environ 80 volontaires et 25 professionnels. Un noyau dur produit actuellement un spectacle : « Portraits de la peur »
Dans leur spectacle ils mettent l’accent sur la peur d’être palestinien, la peur du changement, la peur de vouloir être quelqu’un, la peur d’exister, la peur de se retrouver seul.
Mais sous cette occupation, ils apprennent à lutter ensemble, s’aider les uns les autres, célébrer leur liberté à travers les ingrédients essentiels, que sont la danse et le théâtre. La liberté dans la danse… Un acte artistique.
Je prends donc le témoignage de Sirine et de Ossama.
Sirine explique pourquoi elle danse.
« To feel free » me dit elle.
Ossama explique qu’il est journaliste et qu’il dansera jusqu’à la fin de l’occupation. Il ne veut pas parler des artistes israéliens.
« We will dance until the end of the occupation, no one will stop us from dancing »

Les artistes israéliens et palestiniens travaillaient ensemble il y a une dizaine d’années, mais lorsque le théâtre de l’Inad a été bombardé en 2001, ils n’ont plus eu de nouvelles des artistes israéliens avec qui ils travaillaient.
C’est difficile. Je ne suis pas à leur place. Les artistes ici n’arrêtent pas de nous dire que les internationaux les poussent à travailler ensemble.
« What for ? » me répondent - t’ils.
« We ‘ll have to cope with our life for our Palestinian population.»
In French pour vous :
« C’est contradictoire. Nous pouvons jouer à Londres, à paris, à Rome, mais nous ne pouvons pas jouer à Jérusalem. »
« Nous sommes intéressés par ce projet du mur » me dit George de la compagnie Al Harah.
« Nous sommes d’accord pour partager ce projet avec d’autres artistes palestiniens, nous sommes en bon terme avec eux, mais pas avec des israéliens ».
J’écoute…

Texte et photo Emilie Pirdas

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