TPBD – un Tout Petit Bas Débit

photo : Olivier Baudoin

On se lève à une heure raisonnable. On déjeune, on récupère de la veille. On dérushe les photos. Presque 11h. On va à Bethléem à la recherche d’une connexion internet. On trouve un cyber café grâce à de jeunes du quartier.

Un des jeunes hommes demande à Emilien :

« Where are you from ?

France.

France ? OK. You’re welcome.

Il rajoute : Moi je t’aime !

Je crois qu’Emilien a une touche.

La connexion internet est un TPBD – un Tout Petit Bas Débit- et ça rame comme pas possible.

Connexion au monde quelques minutes. Les flics ont chargés une manif de pompiers à Nice, Bernard Giraudeau est mort. Mise en ligne du blog.

On va se balader dans le marché de la vieille ville. On mange, on visite l’Eglise de la Nativité.

C’est Orthodoxe. Il y a une police des touristes qui dirige le flux et fait bien attention à ce que personne ne s’écarte du chemin dédié. Nous ne descendons pas voir le berceau, trop de monde.

Le pope fait un tour d’encens.

Nous sortons dans le cloître, nous entendons Douce Nuit en Italien.

C’est une messe de Minuit de Noël à 15h en plein mois de Juillet.

Le prêtre sort un baigneur en plastique que des fidèles embrassent. D’autres prennent des photos de l’office. Je ne sais pas où je suis. C’est le moment de l’eucharistie mais je ne sens pas la communion. Les rituels physiques m’avaient intéressés et même nourris jusqu’à présent, car ils étaient reliés à l’intime. Là connexion est factice, encore un TPBD. Assister à une messe à Bethléem est pour un croyant, j’imagine quelque chose d’important. Pas un passage obligé pour les cars de tourismes de tour operator catholique.

Nous sortons. Direction notre rdv avec « Les Combattants pour la Paix ». C’est une organisation crée par d’anciens combattants israéliens et palestiniens qui se battent pour la paix. La plupart ont fait de la prison pour avoir refusé d’avoir continué leur service militaire.

Dans la salle se trouvent des israéliens et des palestiniens. Là, je sens la communion, quelque chose de possible. Enfin.

Lisie Philip

Sans titre 3

Mardi nous avons rencontré la compagnie El funoun à Ramallah. La compagnie existe depuis 1979, elle a 31 ans. La compagnie a plus de 100 volontaires, 10 créations, 25 représentations à l’étranger.
El Funoun axe son travaille sur la danse traditionnelle palestinienne mais cherche aussi à développer son identité en créant des spectacles plus contemporains. Ils veulent créer un pont entre la tradition palestinienne et la vision moderne d’aujourd’hui.
La compagnie se déplace beaucoup dans les territoires occupés, Bethlehem, Jenin.
C’est une compagnie ouverte à l‘international.
Nous parlons donc de nos trois projets.
Mohammed Yacoud nous pose des questions sur le projet autour du mur. Il nous demande de lui envoyer un dossier avec les partenaires proposés.
La question sur l’artiste israélien se pose.
Mohammed nous dit que le projet l’intéresse mais il ne se sent pas prêt à travailler avec des artistes israéliens. La porte n’est pas fermée.
Il en a rencontré en Europe et respecte leur travail mais la situation ici n’est pas la même.
Ils organisent un festival à Ramallah actuellement. Faudel, Abba, de grands artistes internationaux sont programmés ici à Ramallah ainsi que des artistes locaux.
Nous discutons autour d’un thé.

Ce soir nous vu voir leur spectacle de danse à Ramallah.
Nous sommes au culturel Palace. Plus de mille personnes assistent au spectacle de danse.
Ils sont connus.
Je ne suis pas embarquée dans le spectacle. Il y’a pourtant de belles images, de beaux costumes, une propreté dans les tableaux, mais l’émotion ne me caresse pas, les poils sur mes bras ne s’hérissent pas.
Le public quant à lui, tape dans ses mains, se lève, chante, discute…
Je prends des photos. Je trouve le jeu d’acteur faux, kitch.
La mise en scène amène une modernité dans les mouvements chorégraphiques des danseurs. En tant qu’artiste française, j’ai une autre vision du spectacle contemporain. Pour eux c’est novateur. Et nous n’avons pas la même culture, ne l’oublions pas.
Ce que j’ai préféré dans leur spectacle c’est la danse folklorique.
Eux ce qui les intéresse, c’est sans doute le lien entre le folklorique et le moderne, le passé et le présent, le classique et le moderne. Pourquoi pas…
Ce que je retiens de ce spectacle. De belles couleurs, de beaux costumes, de beaux sourires, des codes de la télévision, une chorégraphie à la fois belle et kitch, comme dans les clips vidéos indiens , un effet bollywood…
Dans mon travail en France j’aime amener de la sincérité, de la simplicité dans mes mises en scènes. Pour moi cela manquait de simplicité, de sincérité. C’était un grand show …

La vision que je garde de ce spectacle :
Un beau spectacle dynamique avec de jolies lumières mais qui malheureusement ne m’a pas embarquée. Tant pis … C’est pas grave et je respecte leur travail …

La compagnie Diyar de Bethlehem m’a invitée à un cours de théâtre l’autre soir.
Cette compagnie est jeune et dynamique et ils sont pour moi aussi doués que El Funoun en tant que danseurs.
J’ai participé aux échauffements et aux improvisations. Je propose des exercices. Nous connaissons les mêmes.
Je comprends donc leur langage.
Le corps parle, nous transcendons le mur de la langue par notre corps. Ca m’a fait du bien… Ils sont motivés, leur énergie déborde de positivisme, ils aiment danser…
J’aime leur approche. Ils sont ouverts. Sirine est humble. Ca me plaît…
Je vais lui téléphoner.


PENSEES D EMILIE
L’autre jour à Bethlehem nous sommes allés à l’église de la nativité. En chemin je photographie des mannequins, je me fais un trip mannequin… En robe, avec le foulard, en tenu sexy, les mannequins se dessinent sur les trottoirs. Elles nous présentent leur collection Eté.

Nous avons visité la partie orthodoxe en arrivant. Je l’ai déjà visité lors de mes derniers voyages.
Sombre, comme dans mes souvenirs d’enfances, les popes circulent de dans l’église et purifient
l’air de leur encens.

De l’autre coté se trouve la partie catholique où la congrégation chante « Douce nuit » en italien.. Je trouve cette version italienne très jolie très douce.
Plus clair plus lumineuse, la partie catholique me rappelle mes souvenirs à l’église anglicane de Nice. Un paradoxe se crée, le sombre et la lumière.
J’allume une bougie, deux, trois bougies et je pense à des personnes qui me tiennent à cœur. Je n’ai pas allumé une bougie du coté orthodoxe, l’accès était fermé.
Au final je m’en fous, c’est pareil des deux cotés…
Peut être que je suis croyante ? Agnostique ?
Ma mère m’a toujours dit que la foi c’est en soi, tu as le droit de douter, tu n’a pas besoin d’aller au cimetière ni à l’église pour croire en Dieu. Ma mère m’a toujours laissée le choix… Elle est protestante. Mon père était un orthodoxe. Contradictions et unions…
L’autre soir avec Adnan je discutais chez lui.
C est un musulman que j’ai rencontré en 2002 avec Aurélie et Emilien.
Il vend des souvenirs aux touristes. Il a un magasin à Bethlehem.
Il me dit : « Comment peut- on avoir la foi si on se sert de la religion dans la politique. On ne peut pas croire en Dieu si on se déchire, si on utilise la religion dans la politique, si on se détruit les uns les autres. La religion, c ’est pas ça ! »
Alors la croyance c est peut être ça… c’est quoi ?
C’est croire quand on a envie, tous les jours ou bien tous les ans, ou jamais …
On n est pas obligé d’aller a la messe tous les dimanches.
On est libre d’avoir le choix … De prier dans sa salle de bain, de sortir son tapis de prière lorsqu’ on le désire.
La dernière fois au cheik-point je découvre un palestinien devant le mur. Il sort son tapis et commence à prier. C’est absurde, décalé…
Il oublie le monde qui l’entoure et commence sa prière.
Moi je passe les barrières anti retour. Pas loin de là, se trouve un soldat dans sa guérite...

J’imagine le geste quotidien d’un palestinien.
Tous les jours il lève sa main droite.
La pose sur la borne biométrique.
J’imagine le geste d’un soldat.
Une main tendue.
Un mot « passeport ».
Des pages qui se tournent.
Une main tendue

Croyez-vous que le soir lorsque les soldats rentrent chez eux, ils demandent le passeport à leur famille et leur donne l’autorisation de rentrer ou de sortir de la maison ?

Comment une femme palestinienne ou un palestinien vivent le regard des israéliens. Et nos regards ?
Passer au cheik-point, passer le contrôle, vérifier qu’ils ne portent pas des armes pour rentrer à Jérusalem.
« Quelle image as - t’on de moi ? Me voit t‘on comme une terroriste ? »
« Me voit t ‘on comme une bombe ? »
« Nous connaissons la bombe sexuelle en France» dit olivier
« Je porte le voile mais c’est à la mode aussi ici, ce n’est pas seulement la religion » me dit Naïssoun la fille d’Abnen.

Emilie Pirdas