Noirs et Blancs


Je vois mes copains, Mimi et Mimil, venus ici depuis des années, troublés, blessés.


Mimi pleure,

Mimil fait des cauchemars. .


J’ai la sensation de distances inattendues entre eux et leurs amis locaux. Comme si ce mur était entouré de fossés invisibles de plus en plus grands.


Ca fait 10 jours que l’on est là.


Hier soir à 23h on est revenus de Ramallah. D’habitude au check point de Kalandia (à la sortie de Ramallah), on est traités en touristes. Les Arabes sortent du bus, ils passent le barrage à pieds et ils récupèrent un bus (le même ou un autre) de « l’autre côté ». Nous pendant ce temps on reste assis à nos places (on est Européens) et un « humain-M16 », nous contrôle, vérifie notre visa, nous demande pourquoi il y a tant de Français « ici ». Toujours les mêmes regards méprisants, jamais de « Shalom » ou de « Hi » ou de « Hello ». On est polis, mais jamais de réponse. On reçoit toujours le même regard. Toujours la sensation de gamins manipulés, avec une mission trop grande pour eux. Ils ne peuvent pas être proches. Eux aussi se construisent des murs autour d’eux. Leur gueule est aussi méprisante que le mur en « béton-vibré-armé » qu’ils gardent consciencieusement.


Donc ce soir à 23h le bus ne franchira pas Kalendia. On subira nous aussi le traitement des Arabes. On passera à pieds. Et là comme d’habitude, attente, tourniquets anti-retours, guérites, M16, regards, fouille, passeports, visas. Beaucoup d’hommes, un enfant avec son père, il a de beaux yeux verts. Il a sûrement le même âge que l’un de mes 4 enfants. Cet « humain-arabes » est comme moi, il s’occupe de ses enfants. J’ai vu beaucoup de papas s’occuper de leurs enfants en Palestine. Un cliché du machisme qui s’écroule. Les hommes arabes s’occupent de leurs enfants. Une Américo-Palestinienne jeune, sympa, jolie, nous aide, nous guide, elle nous négocie un taxi pas cher pour rentrer à Bethléem. Ce genre « d’apparitions » font du bien. Elle a un très beau sourire. Elle parle parfaitement les deux langues (arabe et anglais) elle vie aux USA. Mais comme tous les Palestiniens, quand je la remercie elle me réponds « you welcome », un réflexe.


Les murs grandissent, les fossés se creusent.


Je joue à penser au retour d’homo erectus à Terra-Amata, à Nice. Ils revendiqueraient ce quartier de Nice comme étant la terre de leur peuple. Ce serait « ici » que serait né leur Dieu.


On refuserait de les accueillir.


Ils détruiraient d’abord le musée Terra Amata, puis le quartier, se créeraient un couloir jusqu’à la mer (depuis 500 000 ans elle a reculé). Puis ils détruiraient l’école où je suis allé (l’école Terra Amata). Ils seraient soutenus pas les états unis (il y a beaucoup d’homos erectus là-bas). Je voudrais trouver une solution pour tous les habitants de ce quartier de Nice. Certains deviendraient violents, ça me ferait chier. Mais en même temps je les comprendrait.


Je serais très fâché que l’on détruise mon école et l’immeuble où j’ai grandi.


On atteindrait le point de non retour.


Un artiste Homo Sapiens sapiens viendrait me proposer de transender le mur que je subis, il me dirait qu’il faut se comprendre. Que c’est bien de se comprendre, c’est nécessaire.


Voilà, je suis un Homo Sapiens sapiens. Et ça me déplait.


Je n’ai pas envie de faire une « performance » autour du mur et de repartir, fier de moi. En laissant les Israéliens et les Palestiniens dans leur merde.

Ce que je peux faire « ici » c’est ce que je fais chez moi, c’est partager, en me mettant à égalité.

Maintenant le français libre de ses mouvements et riche que je suis (ça me fais bizarre d’être riche …) doit chercher en lui les points d’égalité avec un Israélien ou un Palestinien.

Que relie un humain qui vit dans un pays en paix, avec un occupant et un occupé ?


Je refuse le terme de « démocratie en guerre ».


Il n’y à pas de guerre, il y a un oppresseur et un oppressé.


Je refuse le terme de « démocratie » un régime démocratique n’est qu’une recherche de démocratie. Je pense la même chose de la France.


J’avait 1 000 questions en partant, le départ approche et j’en ai 10 000 !


Texte et photo : Olivier Baudoin

Aucun commentaire: