Sans titre 1


Ici la vie reprend s'anime, la chaleur les odeurs les sourires des gens, et les amis retrouvés. Je me balade dans les rues de Jérusalem. Un labyrinthe se dessine alors devant mes yeux.
Nous nous promenons sur les pavés… Nous visitons les lieux saints. Les rituels reprennent. On caresse un mur, on embrasse une pierre, on murmure contre un mur, les doigts se frottent, caressent les visages, on lui glisse des mots doux… Nous avons faim. Une petite escale alimentaire nécessaire s’impose. Nous discutons sur le but de notre voyage, ici.
Nous parlons de sensible, d’intimité, de réel, de fiction. C’est bien. Parfois, j’aimerais qu’on se taise et que l’on mange tranquillement, sans trop se poser de questions. Je le dit aux copains…
Emilien a raté son examen pour aller à la Mosquée Al Aksa. A l’entrée, on lui demande quelques versets du coran. Il n’a pas révisé, il est donc recalé. C’est drôle. Nous croisons un groupe de juifs américains sur les toits. Le guide retracera alors la ville de Jérusalem en 10 minutes chrono. Ils disparaissent presque aussitôt.

Depuis 2002, la vie ici dans les territoires occupés est plus facile mais c'est pernicieux, car le mur a définitivement grossi, certains palestiniens ne peuvent pas sortir pour aller voir leur famille à Jérusalem ni voyager, ça n'a pas changé... D’autres peuvent mais cela reste toujours compliqué. Les gens suivent une ligne de vie qui leur est dictée.IL y’a deux couleurs ; la verte en territoire occupés, la bleue en Israël. La vie sur leur main est toute tracée, elle ne peut pas dévier, ni revenir en arrière...
Les racines de ces gens ont été arrachées. D’autres racines se sont se sont installées, ont piqué la place.
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Vendredi 16 juillet nous avons attendu 2h20 pour passer le check point de Bethlehem, c ‘ est fatigant. Il faut éviter de passer le vendredi, c’est le jour où les musulmans vont à la Mosquée Al Aksa à Jérusalem. Le check point c’est comme un abattoir, les gens s’entassent, transpirent, soupirent, pestent, se passent les uns devant les autres. Les mains s’accrochent aux barreaux. Les doigts se resserrent. Les regards se caressent et se croisent. Je donne un biscuit à un enfant.
« We are not animals, we are people ». Je me souviens de cette phrase en 2005.
Les soldats se trouvent en haut sur des passerelles, dominent et gèrent la foule fatiguée, épuisée…
Je parle à un soldat, Shai c’est son nom.
“- What’s is happening?
- I don’t know
_Do you know that there is a woman with a baby?
Normaly I let them pass, if I see them.
-It is hard for you here?
-Yes sometimes it is hard ”
Il me quitte et passe la porte sur le coté. Facile, comme une feuille de papier sous une porte.
Une anglaise qui a travaillé 11 ans dans un orphelinat ne comprend pas le comportement des gens, ni celui des soldats d’ailleurs. Elle a un pace maker. Elle passe le contrôle, la machine se met en veille quelques instants et reprend vie ensuite. L’électro cardiogramme reprend.

Comment ça se passe dans la tête des gens ?
Tu as une carte d’identité verte, tu vis à Bethlehem (dans les territoires occupés). Ta vie s’arrête au cheik-point. Rares sont les moments où tu peux obtenir une autorisation pour aller à Jérusalem.
Si tu as la carte bleue israélienne, là tu peux passer mais tu subis les contrôles quotidiens, l’humiliation, la borne biométrique ou s’affiche ta photo et ton identité.
« Quelle est mon identité ? ». C’est la question que beaucoup de palestiniens se posent.
« Je suis vert, je suis bleu. Si je deviens vert je ne pourrais plus me déplacer aussi facilement ! »
« Le matin je réfléchis à ce que je vais mettre comme vêtements pour ne pas biper aux cheik-points. »
Les palestiniens n’ont pas la choix. C’est l’apartheid. On dirige leur vie.
Aujourd’hui, il n’y a plus de couvres feux, les palestiniens ne sont plus enfermés chez
eux … Tu peux sortir faire la fête. Travailler. Les tanks ne rentrent plus. C’est le mur qui rentre et qui coupe.
Doit-on préférer une vie plus facile mais dans une prison-ville ?
Ne vaut mieux t'il pas mieux dans ce cas là rester chez soi et voir le monde de sa télévision...
Ce qui marque c'est de voir un jeune soldat fragile a un cheik-point qui ne peut rien dire.
Shai c’est son nom, il se tait. Il a 24 ans.
Il obéit aux ordres.
Nous apprenons ensuite que Shai s’est engagé volontairement dans l’armée.
Les femmes soldats dans les guérites sont plutôt arrogantes. On dirait des garçons manqués.
Elles ont des couilles à la place du vagin. Mais elles sont dans les guérites et pas dehors.
En face dans le long couloir une femme tient un bébé de 40 jours dans ses bras.
Elle veut aller à l hôpital de Jérusalem voir sa mère... Il fait chaud…

Il fait chaud… Nous sommes à Bil’in avec des palestiniens et des activistes internationaux pour faire une marche vers le mur.
Je perds mon passeport. Je fouille mes sacs, Olivier fouille mon sac, Lisie fouille mon sac.
« C’était bien le moment ! »
« En France tu peux te payer le luxe de le perdre, ici c’est compliqué » me dit Lisie.
j’appelle le taxi. Ouf, le chauffeur m’annonce qu’il a retrouvé mon « identité ».
Je pars prudente, à la manifestation, sans passeport, devant le mur, un préfabriqué en grillage qui annonce le prochain en béton. C’est la parade du vendredi…
Tous les cinq ans à la même heure, il y’a une manifestation. On nous briffe, on nous rassure. On croise le CCiPPP. On prend des témoignages.
« Don’t be afraid if the solders shoot lacrimogene, stay calm ! Do not panic, don’t drink! »
Je ne suis pas une activiste, je suis une artiste, en tongue, “sans papiers”, sans lunettes de soleil pour me protéger.
Les soldats déclenchent alors les hostilités. Une salve de lacrimo tombe du ciel. Je trace une trajectoire retour, une ligne droite. Je regarde à gauche je regarde à droite, les chardons s’accrochent à mes pieds, ca vient de tous les cotés. Je crache, la fumée me pique les yeux, la situation me brûle la gorge, m’étouffe…
Un journaliste dégaine son micro et se poste devant la caméra et fait un flash info. J’écoute la musicalité de sa voix, « la chanson flash info »
Nous rentrons sur Jérusalem. Le chauffeur de taxi vient nous chercher. Je récupère mon passeport. YES !
IL nous invite chez lui et nous présente sa famille. Il va se faire expulser de sa maison. Apparemment il ne peut pas l’assurer. Il paye des amendes à Israêl.
Il doit quitter les lieux dans un an. Non loin de là se trouve une colonie…

Texte et photo : Emilie Pirdas

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