photo : Lisie Philip/Olivier Baudoin
extérieur(s)-MUR(s)-intérieur(s)
Présentation
photo : Lisie Philip/Olivier Baudoin
retour aux bercailles
Nous avons atterri hier soir à l’aéroport de Nice. Ce séjour s’achève mais le projet continu. Nous ne manquerons donc pas de mettre en place un nouvel outil pour informer le plus grand nombre de nos démarches. En attendant, merci à tous de nous avoir suivis sur ce blog et de continuer à en diffuser l’existence.
Diner chez Abdel Fatah Abou Srour
Nous avons évoqué l’article paru la semaine dernière dans le patriote Côte d’Azur, dans lequel je racontais l’espoir qu’avait provoqué en moi notre rencontre avec l’Association des Combattants pour la Paix. Abed nous dit qu’il n’a pas beaucoup d’empathie pour ce mouvement. Qu’il trouve déplacé que le plus souvent en occident lorsqu’on donne la parole à un palestinien il faille qu’un israélien soit présent comme pour valider sa présence. Il nous dit que le logo de cette association est déjà une erreur : Deux combattants lâchant leur arme pour se serrer la poigne. Il dit qu’il n’y a pas d’armée palestinienne, mais qu’il y a une armée d’occupation et qu’afficher ce type de logo c’est renvoyer palestiniens et israéliens sur le même plan. Il nous dit qu’il conçoit que des israéliens militent en Israël pour la fin de l’occupation. Il dit que c’est très bien, qu’ils doivent se battre pour faire tomber leurs gouvernements sionistes et leurs politiques, mais que tant qu’ils n’y seront pas parvenus la résistance palestinienne est légitime et nécessaire. Lui-même a mis en place une série d’actions rassemblées sous le terme de « Beautiful resistance ». Ces actions rassemblent des enfants autour d’activités liées à la culture et à l’éducation.
Abed est un ami.
Abed est docteur en biologie.
Abed donne sa vie aux enfants du camp de réfugiés.
Abed écrit aussi des poèmes, des pièces de théâtre.
Abed n’est pas un adepte de la mort et de la violence.
Abed demande à être reconnu comme palestinien engagé dans une lutte légitime.
Il demande que cette légitimité ne soit pas conditionnée par la présence d’un israélien chaque fois qu’il a l’occasion de s’exprimer.
Je ne souhaite pas revenir sur ce que j’écrivais la semaine dernière à propos de Combattants pour la Paix. Mais à force de venir à la rencontre du peuple palestinien, à force de voir comment les médias de masse traitent la question, à force de me confronter, en France, à de pseudo-pacifistes aveuglés, ethno-centrés… j’avoue chercher tous les signaux qui puissent susciter l’espoir d’une paix juste, en oubliant parfois que la paix se fait d’abord entre ennemis. Des amis ne se font pas la guerre ; Des amis n’ont pas besoin de trouver les moyens de faire la paix.
L’autre jour, avant d’aller au spectacle d’El Funoun, j’étais las. Je me disais que je n’avais pas envie de prendre un taxi,
De passer un cheik point,
De prendre un bus,
De prendre un autre bus,
De passer un autre cheik point,
Et de finir avec un autre taxi encore,
Tout ça pour faire un trajet qui ne devrait prendre qu’un quart d’heure si la situation était normale.
Et d’avoir à le faire de nouveau au retour.
J’étais fatigué.
Ça fait à peine dix jours que je subi ce système d’Apartheïd et je suis las. Ça ne fait pas toute une vie.
Comment ne pas comprendre alors que cette lassitude devienne de la colère, quand on vit cette situation depuis sa naissance.
En fin de soirée, nos discussions ont glissé vers la question de la montée de l’islamophobie et de l’antisémitisme en France. Certains ont cherché à donner une échelle d’importance, à comparer, à quantifier…
Je suis mal à l’aise.
Ma famille est au carrefour de l’humanité.
Ma famille, mon sang !
Dans ma famille,
Il ya ceux qui croient dans le ciel,
Qui prient à l’église,
Qui prient au temple,
À la synagogue,
À la mosquée,
Il y a ceux qui croient en la matière,
En l’existence,
En l’Homme.
Mon sang mon fils ma fille !
Je ne participerai à aucune classification !
Je vais me coucher…
Mal à l’aise…
Farines
Hier nous avons discuté (en français) avec un palestinien il s’appelle Abed. Il est directeur d’un théâtre à Aïda Camp à côté de Beit Lehem., tout près du cheick point. Ce « Camp » a été créé en 48 lors de la « Nakba ».
Chacun sa « catastrophe » la Shoa pour les Juifs, la Nakba pour les Palestiniens.
Ici a été regroupés en 48, une partie des personnes chassées par les Israéliens à la création de leur nouvel Etat.
On trouve dans les rues d’Aïda Camp, sur des murs, des fresques des villages détruits. Des « We will return » un peu partout.
Ce lieu est entouré d’un mur bien réel de 12 mètres de haut qui serpente. On dirait un monstre endormi.
C’est à cet endroit que devait être accueilli le Pape. Un théâtre en plein air a été construit ici, au pied du mur. On y lit un « Pope welcome in Palestine ».
Le Pape n’est jamais venu. Il a cédé à la pression. Ici montrer les horreurs faites par l’Etat Israélien est assimilé à de l’antisémitisme. Un coup de projecteur médiatique sur ce lieu : Non. ! Israël n’est pas d’accord.
Je trouve qu’Israël joue avec de biens sinistres cordes.
Etre contre Israël n’est pas de l’antisémitisme, NON !
Abed nous raconte l’histoire des Juifs Palestiniens (ils vivaient ici depuis des lustres, bien avant la Nakba) partis en 48/49. Ils étaient farouchement contre la création d’un Etat Israélien. Ils se sont exilés aux 4 coins du monde en laissant leurs terres au Palestiniens musulmans et pas aux Israéliens. « Très antisémites ces juifs … »
Abed ne veut pas travailler avec des Israéliens. « Ici » ils contrôlent tout. Il veut être libre.
Il est isolé, il ne veut pas entrer dans le jeu des différents partis politiques Palestiniens. Il est indépendant, il est courageux, il le paye. C’est universel ça.
Il résiste avec l’art.
- Dans son centre on trouve une salle informatique bien équipée. Chaque PC est équipé d’un onduleur (batterie autonome) les coupures de courant sont fréquentes.
- Une salle multimédia et vidéo.
- Une salle de musique équipée de nombreux instruments.
- Une bibliothèque, l’odeur des livres est la même partout.
- Une ludothèque pour les petits.
- Un espace réservé aux femmes avec salle de gym.
- Des expos photos, faites par les participants aux ateliers.
- ….
Ce lieu ressemble à une MJC française.
Il accueille régulièrement des internationaux.
Le centre a des difficultés. Les financements baissent, l’avenir est incertain.
Ca ressemble vraiment à une MJC …
On va sûrement travailler avec lui.
Il faut trouver des financements français pour organiser des ateliers avec des enfants. Pour organiser une rencontre avec des artistes locaux et des financements pour le projet de chapiteau. Les populations sont bloquées par le mur, alors une des solutions proposée par Sîn est de faire une scène ambulante pour déplacer la culture.
Pour aider à conserver du lien entre les Palestiniens.
Lundi on va à Tel Aviv. On dormira chez un copain Israélien. Mardi c’est le retour vers la France.
On va enregistrer le témoignage d’Omer. Il a été victime du conflit, mais du côté Israélien.
On va aussi rencontrer Jonathan pour parler un peu de tout. Normalement on dort chez lui lundi soir.
Avec tout ce que je suis en train d’écrire il ne va pas nous héberger …
Ce mur en béton pourrit la vie des Palestiniens. Mais un jour il tombera, bien avant tous les murs-humains-symboliques.
Un humain-idiot-mur est en train de se construire. Des bateaux sont affrétés pour la bande de Gaza. Les Israéliens veulent les bloquer, les Iraniens veulent les protéger. Un beau merdier est en train de se préparer dans « ma mer », la Méditerranée.
Les Turques se fâchent, les Iraniens sortent les dents, les Israéliens sortent les griffes. L’Onu proteste. Les Européens crient « au scandale », les Américains hésitent, les chinois vendent leurs produits pas chers, les arabes vendent leur pétrole de merde au Européens, Américains, Chinois.
Et pendant ce temps les Palestiniens crèvent, disparaissent, on les oublie !
Plus on s’agite, plus on les oublie.
C’est pas des pauvres, il n’ont pas besoin de notre secours, de notre ciment, de nos médicaments. Tout ça c’est des prétextes de « biens pensants ». Si on leur laisse la paix ils se débrouillent très bien.
Les Israéliens et les Palestiniens sont condamnés à s’entendre. Ou plutôt les juifs, les musulmans, les chrétiens, les athées, les laïcs …
Le mal est fait, si on chasse les Palestiniens où iront-ils, si on chasse les Israéliens, même question, ils n’ont plus de terre.
De mon point de vue il y a deux options : la réconciliation ou le bain se sang.
Les bateaux, c’est le choix de la radicalisation, du bain de sang.
La reprise des colonisations juives en Palestine dès septembre 2010, c’est le même choix, celui du bain de sang.
Aujourd’hui, j’ai montré à Naheel (la femme qui nous accueille), comment faire du pain français. Elle a du monter ses manches pour pétrir le pain. Ce n’est pas un acte banal pour une Musulmane. Hier soir on a mangé chez elle, c’était très bon.
Tout ça se fait en douceur, avec respect et écoute.
C’est pas si compliqué.
Mais comme ça n’a pas suffit, demain on fait des crêpes ensemble !
incursion au coeur de la matière
Le temps des questions est là. Il y a les questions inutiles et les questions nécessaires. J’ai du mal à faire le tri. C’est difficile.
Un journaliste écrivait à propos d’un autre de mes projets d’écriture : « La démarche n’est pas politique. C’est une incursion au cœur de la matière ». J’aime cette idée. Ici, en Palestine, avoir une démarche simplement politique reviendrait à m’engager dans un mouvement de solidarité sans me poser plus de questions. Je l’ai fait. Je continue de la faire. S’immiscer « au cœur de la matière » entraine une plus-value de questions.
Avant-hier soir, avec Olivier et Emilie, nous avons eu une longue discussion. Peut-être de celles que Mahmoud Darwish nommait « les conversations brillantes ». J’ai l’impression de me poser les mêmes questions qu’il y a huit ans, au retour de notre premier séjour. C’est bien. La présence d’Olivier et Lisie aura permis cela.
En France, il y a une idée commune liée au postulat pacifiste. La guerre serait le fruit du fanatisme conjugué d’extrémistes agissant tant en Israël qu’en Palestine. Il devrait suffire de considérer que des deux côté des gens souffrent et que « la guerre c’est pas bien » pour qu’un conflit de plus de 60 ans d’âge finisse enfin. La réalité est bien sûr différente. Si je dis maintenant, il y a un peuple qui souffre et une armée qui opprime, on dira que je suis partisan, que je ne reconnais pas l’humanité de celui que je juge comme oppresseur. Mais il faut vivre ce que l’on vit ici pour commencer à comprendre.
Le nœud est là. Comment prendre en compte l’état d’esprit des publics occidentaux lors de l’écriture de notre pièce de théâtre pour qu’ils sentent, comprennent, imaginent la complexité de la réalité ici ?
Le spectacle « Témoignages, compte-rendu théâtral de séjours en Palestine » tourne en France en grande partie grâce aux réseaux de la solidarité internationale : Association France-palestine Solidarité, CCiPPP, PCF… Et donc, lors de ses représentations nous jouons devant des personnes convaincues de l’injustice qui se trame ici. Comment toucher un public plus large ; un simple public de théâtre ; en faisant en sorte qu’il ne puisse se dire : « Ouais, c’est touchant mais c’est sans doute orienté, voir même exagéré » ?
La réponse pourrait être de créer quelque chose qui s’appuie sur l’idée que les peuples israéliens et palestiniens souffrent pareillement de l’absurdité de la situation et que « la guerre c’est mal ». Aujourd’hui, nous pourrions sans trop de difficultés parvenir à concevoir une forme artistique qui réunisse des artistes palestiniens et israéliens. Ainsi, le message serait parfait pour la « bien-pensance » occidentale. Mais nous ne ferions qu’éviter l’affrontement avec la complexité de la réalité.
Ce dont on se rend compte ici, c’est que ce serait beaucoup plus simple pour un artiste israélien de faire un pas dans ce sens que pour un artiste palestinien. Ce serait même « sexy », comme on dit à Paris. Pour les artistes palestiniens que nous rencontrons la question est embarrassante, voir même déplacée. Et pour nous ce serait tellement simple. De plus, les démarches des artistes israéliens sont plus proches de nos pratiques occidentales : « écritures du réel », « nouvelles technologies », « utilisations de médias en temps réel »… Alors qu’en Palestine nous assistons le plus souvent à des pratiques folkloriques, parfois au summum du kitch. Alors, si on ne fait que survoler la question la « bien-pensance » occidentale prend le dessus.
Nous voulons faire autre chose. Nous avons deux objectifs. A courts termes, nous souhaitons utiliser la danse et le théâtre comme médias qui par l’intermédiaire de nouvelles technologies transcendent le mur et permettent une communication entre chaque côté. De chaque côté du mur il y a des palestiniens. Le mur de béton ne sépare pas Israël et la Palestine. Il scinde la Palestine. Israël n’est pas de l’autre côté du mur. Israël construit le mur.
A plus longs termes, nous souhaitons écrire un spectacle dédié à l’espace public. Celui-ci doit rendre compte de témoignages récoltés sur place et de notre vécu : Donner à voir les différentes strates qui constituent le mur. La strate de béton, la strate administrative, la strate humaine, religieuse, culturelle, les strates stigmatisantes, médiatiques…
Quand on se trouve à l’intérieur des « prison-villes », on peut voir dessinées et écrites sur le mur toute sorte de choses. Des messages de paix, des messages de haine, de vrais actes artistiques et des gribouillages. Le plus souvent ces « graffitis » sont le fait d’étrangers. Ce mur doit-il devenir une galerie d’art internationale à ciel ouvert ?
Bah ! Je tourne en rond. Il faut que tout ça décante.
J’ai envie de me poser, de me reposer. Le lieu n’est pas propice. J’ai envie de me poser et de me laisser aller à la construction d’images, de scènes, de modes de projection, de types de rapport aux publics. J’ai envie, mais ici je n’y parviens pas.
Hier soir, nous avons assisté à une représentation du groupe de danse folklorique El Funoun, à Ramallah. Plus d’un millier de personnes réunies pour y assister. Il s’agissait en grande partie de la bourgeoisie palestinienne. A l’entrée, des hôtesses d’accueil distribuaient des documents édités par une association de défense des droits de l’homme à propos des prisonniers politiques palestiniens en Israël.
Les propositions dansées pouvaient s’apparenter à des fresques dignes des plus grands moments du « réalisme socialiste » en URSS. Des costumes folkloriques. Des torses bombés. Des fusils en toc. Des musiques pleines de basses et de réverb. Les quelques propositions plus contemporaines avaient du mal à se défaire de la lourdeur d’un ensemble sur-joué.
Tout ça n’empêchait pas d’entrevoir les qualités techniques de la plupart des danseurs et surtout donnait l’occasion d’exister à un réel temps de communion. Le public était en liesse. Un vrai beau contraste avec l’ambiance du quotidien en territoires occupés.
En rentrant, nous avons passé le cheik point de Kalandia. L’un des plus fameux en Palestine. C’est la première fois que je le passais à pieds depuis plusieurs années. Il a subi les mêmes transformations que celui de Bethléem. Le béton et la rationalisation ont remplacé les fils barbelés et les taules. Nous nous retrouvons dans un des multiples corridors qui le constituent. Parqués avec une cinquantaine de palestiniens. Nous passons trois par trois en montrant nos passeports à des soldats au féminin.
Une des palestinienne qui nous accompagne à un passeport américain. Aux États-Unis, elle fait des études en commerce international. Après le cheik point, elle nous dégote un taxi trois fois moins cher que si nous nous étions débrouillés seuls. Merci.
En rentrant nous longeons le mur qui emprisonne la commune d’Al-Ram. Je pense à notre ami Suheil Abu Saliba, qui nous avait accueillis en 2002 et qui vit à l’intérieur. Je n’irai pas l’embrasser cette année, faute de temps. Salut à toi l’ami !
Emilien Urbach
Photo : O. Baudoin
Noirs et Blancs
Je vois mes copains, Mimi et Mimil, venus ici depuis des années, troublés, blessés.
Mimi pleure,
Mimil fait des cauchemars. .
J’ai la sensation de distances inattendues entre eux et leurs amis locaux. Comme si ce mur était entouré de fossés invisibles de plus en plus grands.
Ca fait 10 jours que l’on est là.
Hier soir à 23h on est revenus de Ramallah. D’habitude au check point de Kalandia (à la sortie de Ramallah), on est traités en touristes. Les Arabes sortent du bus, ils passent le barrage à pieds et ils récupèrent un bus (le même ou un autre) de « l’autre côté ». Nous pendant ce temps on reste assis à nos places (on est Européens) et un « humain-M16 », nous contrôle, vérifie notre visa, nous demande pourquoi il y a tant de Français « ici ». Toujours les mêmes regards méprisants, jamais de « Shalom » ou de « Hi » ou de « Hello ». On est polis, mais jamais de réponse. On reçoit toujours le même regard. Toujours la sensation de gamins manipulés, avec une mission trop grande pour eux. Ils ne peuvent pas être proches. Eux aussi se construisent des murs autour d’eux. Leur gueule est aussi méprisante que le mur en « béton-vibré-armé » qu’ils gardent consciencieusement.
Donc ce soir à 23h le bus ne franchira pas Kalendia. On subira nous aussi le traitement des Arabes. On passera à pieds. Et là comme d’habitude, attente, tourniquets anti-retours, guérites, M16, regards, fouille, passeports, visas. Beaucoup d’hommes, un enfant avec son père, il a de beaux yeux verts. Il a sûrement le même âge que l’un de mes 4 enfants. Cet « humain-arabes » est comme moi, il s’occupe de ses enfants. J’ai vu beaucoup de papas s’occuper de leurs enfants en Palestine. Un cliché du machisme qui s’écroule. Les hommes arabes s’occupent de leurs enfants. Une Américo-Palestinienne jeune, sympa, jolie, nous aide, nous guide, elle nous négocie un taxi pas cher pour rentrer à Bethléem. Ce genre « d’apparitions » font du bien. Elle a un très beau sourire. Elle parle parfaitement les deux langues (arabe et anglais) elle vie aux USA. Mais comme tous les Palestiniens, quand je la remercie elle me réponds « you welcome », un réflexe.
Les murs grandissent, les fossés se creusent.
Je joue à penser au retour d’homo erectus à Terra-Amata, à Nice. Ils revendiqueraient ce quartier de Nice comme étant la terre de leur peuple. Ce serait « ici » que serait né leur Dieu.
On refuserait de les accueillir.
Ils détruiraient d’abord le musée Terra Amata, puis le quartier, se créeraient un couloir jusqu’à la mer (depuis 500 000 ans elle a reculé). Puis ils détruiraient l’école où je suis allé (l’école Terra Amata). Ils seraient soutenus pas les états unis (il y a beaucoup d’homos erectus là-bas). Je voudrais trouver une solution pour tous les habitants de ce quartier de Nice. Certains deviendraient violents, ça me ferait chier. Mais en même temps je les comprendrait.
Je serais très fâché que l’on détruise mon école et l’immeuble où j’ai grandi.
On atteindrait le point de non retour.
Un artiste Homo Sapiens sapiens viendrait me proposer de transender le mur que je subis, il me dirait qu’il faut se comprendre. Que c’est bien de se comprendre, c’est nécessaire.
Voilà, je suis un Homo Sapiens sapiens. Et ça me déplait.
Je n’ai pas envie de faire une « performance » autour du mur et de repartir, fier de moi. En laissant les Israéliens et les Palestiniens dans leur merde.
Ce que je peux faire « ici » c’est ce que je fais chez moi, c’est partager, en me mettant à égalité.
Maintenant le français libre de ses mouvements et riche que je suis (ça me fais bizarre d’être riche …) doit chercher en lui les points d’égalité avec un Israélien ou un Palestinien.
Que relie un humain qui vit dans un pays en paix, avec un occupant et un occupé ?
Je refuse le terme de « démocratie en guerre ».
Il n’y à pas de guerre, il y a un oppresseur et un oppressé.
Je refuse le terme de « démocratie » un régime démocratique n’est qu’une recherche de démocratie. Je pense la même chose de la France.
J’avait 1 000 questions en partant, le départ approche et j’en ai 10 000 !
Texte et photo : Olivier Baudoin
Sans titre 4
L’autre jour nous avons fait une improvisation autour du mur.
Lisie caresse le mur, lui parle, danse. Olivier prend des photos, Emilien filme. Nos filtres de protections que sont nos objectifs sont présents.
Moi je regarde Lisie mais je n’y arrive pas.
Je suis assise, contre lui et je regarde le camp de réfugiés en face de moi.
Lisie me rejoint, me parle, me pousse à réagir.
Je lui dis que ce mur est trop réel pour moi. Trop grand. Ce n’est pas un décor, c’est la réalité.
Pourtant en 2002 j’avais fait une improvisation, mais c’était avec Nicolas un comédien palestinien.
Ce jour là nous avions bien rigolé.
Enfin… A part la scène torride du coté des deux murs entre Nicolas et moi. Les palestiniens et les soldats nous regardaient avec des yeux ébahis. Toute la compagnie Al harah me connaît maintenant, super !!!
Mais aujourd’hui c’est différent…
Je commence à comprendre ma place ici. Ramener des témoignages en France, donner des détails que la France ne reçoit pas. Ca je peux le faire.
Mais cet événement, c’est compliqué, c’est nouveau.
Ce n’est pas qu’un mur qui sépare des êtres humains. C’est une séparation des âmes, une séparation de communication, une séparation d’artistes, une séparation d’identité, une séparation de palestiniens qui vivent à Jérusalem-est, une séparation de palestiniens qui vivent à Jenin, une séparation de palestiniens qui vivent dans un camp de réfugiés, une séparation de palestiniens qui vivent à Bethlehem, Naplouse, Tulkarem, Gaza, Qualkilia. Une séparation de palestiniens qui vivent en Israël.
Y’a une seule identité palestinienne ?
Non , c’est ça qui est terrible . Ils n’ont pas une identité même du coté international …
Aujourd’hui il n’ya plus d’attentats.
En 2002, lorsque j’étais en Palestine avec Emilien et Aurélie, lorsqu’une bombe pétait les palestiniens que nous rencontrions étaient dégoutés.
L’occupation met tous les palestiniens dans le même panier. Des poules dans une cage.
Ils ne sont pas dans cette violence là et pourtant ils subissent l’occupation. La politique interne dans le pays est écorchée.
Ils payent…
Je reviens donc à l’improvisation autour du mur.
Je me lève, je commence à arracher un bout de bois dans le mur, Il se casse.
Le béton détruit le bois. Le buldozzer détruit les oliviers….
Je prends des pierres et les lance par-dessus. Pour communiquer. Mais il y’a rien derrière. Je le sais…
« Le mur nous renvoie les pierres » dit Lisie.
La pierre, la poésie… Le mur, l’évènement …
Lisie me dit : « Derrière ce mur, vois les êtres humains comme tu vois le visage derrière l’uniforme du soldat ».
Moi ce mur, il n’est pas humain. Ce sont les « mains » d’un « hu main » qu’ils l’ont construit… Seul un « humain » peut le détruire.
Le mur ne communique pas.
Des soldats, même si la communication est complexe, tu peux leur parler. Ils sont manipulés. Ils sont jeunes, ils s’emmerdent au check point, ils ne sont pas polis.
Un mur tu ne peux pas lui parler.
Il est sur répondeur.
Ou plutôt il ne prend pas les messages.
Belle tactique militaire.
Nous discutons sur les difficultés techniques de ce projet.
Sur la forme du projet. Nous nous posons des questions.
Alors Comment transcender le mur ?
Comment place - t’on le symbole ?
Comment être le plus juste par rapport à cette situation ?
« Ce mur c’est pour faire disparaître le terrorisme »
« C’est le voile de la disparition »
« Empêcher la communication »
« La performance autour du mur est inutile, elle ne changera pas la situation, alors il faut trouver les partenaires qui seront intéressés par cet événement ».
Nous avançons petit à petit, essayant d’être le plus humble possible.
Ecoutons les artistes qui nous entourent. Le projet les intéresse mais il faut être le plus clair possible. Et bien sûr se retrouver pour construire un événement commun.
Ne pas faire qu’une performance « fast food » et rentrer tranquillement chez nous...
En attendant nous collectionnons des témoignages.
Pour les artistes, ici c’est important, que nous soyons leur bouche témoin.
Samedi 24 Juillet
Le sommeil s’accroche de plus en plus à nous. Le vin et l’ arrack nous fait chavirer dans un sommeil de plus en plus profond… Il est de plus en plus difficile de se lever, de poser nos pieds sur Bethlehem… Yannick me manque…
Ce matin nous allons prendre des photos de JR près du check point de Bethlehem.
Ca y’est, ça c’est fait…
Olivier et moi buvons un thé et un café au pied du mur en attendant Emilien.
Le chauffeur de taxi essaie de me marier avec l’homme qui nous sert les boissons. Il insiste.
La prochaine fois je dis que je suis mariée à Olivier ou Emilien.
(Promis Gaëlle et Siham, c’est juste pour couper la conversation !
Sinon je dis que je suis mariée aux deux mais là ça risque de faire naître d’autres discussions !)
Le chauffeur nous pose deux chaises sur un trottoir pour boire le thé et le café. Les fous rires nous accompagnent. C’est un moment simple que j’apprécie.
Des petits bonheurs …
Le chauffeur me dit :
“Are you hot? French girls are hot, are they not? » Nous rigolons.
A cet instant nous apercevons non loin, une jeune européenne en robe transparente qui passe pour aller au check point. C’est surréaliste!
Sa robe caressant l’air, laisse entrevoir sa jolie culotte blanche et son joli fessier. Je suis prise d’un fou rire. Les palestiniens ont la langue qui leur tombe aux genoux, c’est drôle… J’ai l’impression de voir Betty Boop et le loup la langue dégoulinante voulant se jeter sur elle…
Je tiens à préciser, je ne pleure pas tout le temps !!!!!!! Hi hi hi !!!
je ris aussi …
Je ris, je pleure, je vis, je meurs…
Nous sommes au camp de réfugiés d’Aida. Nous allons au centre Alrowwad , centre d’activité photos, sport, théâtre… Beaucoup de volontaires internationaux viennent faire des activités avec les enfants. Des ONG financent le centre depuis quelques années.
Nous croisons Abed, le directeur. Il va bien. Il était aux Etats unis avec ses enfants et son groupe de théâtre pour jouer sa pièce. Il a passé deux jours au check point de Jordanie avec ses deux enfants de 8 et 10 ans. Les israéliens sont en grève. Il y’a moins d’employés alors c’est plus long. Il ne peut pas passer par Tela Viv.
C’est un fils de réfugié… Il a la carte verte et a des difficultés pour aller à Jérusalem.
Sa femme, elle, a l’identité de Jérusalem, elle est enseignante de science à l’université. Ils ont deux maisons. Une à Doha à coté de Bethlehem où nous dormons. Ils en ont une autre à Jérusalem est vers le mont des oliviers. Ils louent.
C’est pour faciliter les déplacements de Nahil sa femme. Elle peut aller travailler et amener ses enfants à l’école. C’est compliqué tout ça , n’est ce pas ?
Comme je disais, Abed est le fils d’un réfugié.
Les israéliens ont expulsé sa famille de son village en 1948.
Nous lui parlons du projet. Il est séduit par le projet du chapiteau.
Abed n’appartient à aucun mouvement politique. Il dénonce l’hypocrisie des doits de l’homme. Je l’écoute…
« Quelles sont nos droits, il n’ya pas d’égalité, il n’ya pas de retour ».
Il nous retrace l’histoire d’avant 1948.
Ce n’est pas si simple…
Il nous raconte comment au début du siècle les chrétiens, les juifs et les musulmans vivaient ensemble. Comment la langue hébreu est apparue dans les écoles.
Certains juifs qui vivaient en Palestine ont quitté le pays. Il nous explique la politique d’Israël à vouloir diviser les chrétiens des musulmans palestiniens. Ca ne marche pas. Les palestiniens se tolèrent entre eux.
Nous parlons de « l’effet média » , ce que nous les occidentaux nous recevons comme information en France sur la question du conflit. Comment dans chaque rencontre en Europe ou ailleurs il faut un représentant de chaque coté. Comment les Etats unis gèrent leur intérêt face à Israël et pourquoi Israël est placé au milieu de tous les pays arabes. Deux puissances mondiales : Etas unis , Pays arabes. Quelle est la tactique politique ? Et l’Europe dans tout ça… ?
«Il n’ya pas d’égalité, nous sommes des enfants de réfugiés. Et le droit de retour vers nos villages ? Personne ne se pose cette question. »
Le camp d’Aida rassemble environ 27 villages de réfugiés. Ils n’ont pas choisi d’être devant ce mur. C’est compliqué. Je l’écoute , c’est sa vie c’est pas la mienne…
Abed, son combat politique c’est son centre. Il ne veut pas d’aide humanitaire. Il veut une justice. Il veut que les enfants témoignent, c’est sa lutte. Il a fait des études en France, en Angleterre, il a donné des cours de biologie à l’université. Il gagnait bien sa vie.
Ensuite pendant l’intifada,
l’armée rentrait dans le camp à la recherche de « terroristes ». Elle a détruit des maisons et des écoles. L’ONU construit, l’armée détruit, l’ONU construit, l’armée détruit…
Il a eu quelques aides financières pour son travail au centre.
Il est employé depuis mars il n’a eu qu’un seul salaire. Il rit.
Mais il ne se plaint pas. « C’est comme ça… »
Un peu toutes les réactions sur Facebook et par mail
C'est important, car ce blog se construit aussi avec vous. Nous avons enfin trouvé la fonction qui permet de laisser un commentaire sur le blog ... Il était temps.
Mes Beaux Parents (par mail) :
"Nous avons essayé de laisser un message sur votre blog dont Gaëlle nous a passé l'adresse, mais devant l'impossibilité de l'enregistrer nous choisissons une autre voie plus à notre portée. En premier lieu, félicitations à toute l'équipe pour ce courageux projet. Le blog est excellent aussi, toutefois si les textes portent les signatures de leurs auteurs, ce qui est tout à fait normal, il est dommage que les magnifiques photos qui les accompagnent soient anonymes. Peut-être ignorons-nous la raison? Nous apprécions à sa juste valeur le challenge, essayer sur cette terre meurtrie par des décennies de violence d'apporter, par un geste d'humanité, grâce à la culture partagée, une possibilité de devenir et d'espérance. La mosaïque de religions, d'origines, ... mais aussi les cicatrices à vif des uns et des autres, ne doivent pas être, des murs de plus qui cloisonnent la vision d'essemble. Bon, voilà maintenant quelques petits messages personnels:
- Salut, papa. C'est Alix. J'espère que tu vas bien. Pourrais-tu nous ramener une petite surprise, STP ? Alix (mon fils 12 ans)
- Bonjour papa, je te fais un gros bisou. J'espère que tu nous emmèneras en Afrique! Cassian (mon fils 5 ans)
- Salut papa, est-ce que tu vas bien? Dimanche nous sommes allés à la Brigue à la fête médiévale. Nous avons vu des chevaliers se battre. J'ai tiré à l'arc et j'ai tenu 3 rapaces différents sur mon bras. Hier nous avons récupéré Cassian, à Carros, au centre. Gros bisous, Evan (mon fils 8 bans)
Nous vous souhaitons à tous quatre une fin de séjour fructueuse en jalons pour donner une suite à cette aventure,
M.Christine et J.José"
Sur Facebook :
"Gérard Molter Relation de voyage édifiante, terrifiante. Jusqu'où va se perdre la haine de l'homme pour l'homme... Ce pays n'est plus qu'un immense camp de concentration, qui ne mérite plus sa qualification de terre sainte.
Mc Feral Témoignages émouvants et très vivants. Bravo pour ce partage et ce courage.
Liliane Eichelberg nous sommes allez au mois de mai cette annee 2010 avec tous ses checks point ...a Bethléem...et Jerusalem et de Taba en Egypte..on nous a obliger de descendre du bus et de faire notre chemin de croix a travers les barbelés a Bethléem...comme dit Genevieve ! comme synonyme d''encerclée", d'assiégée', 'circonscrite',pour... moi ça été synonyme de revolte nous l'avons fait point..je ne retournerai pas..mais une bonne experience
Arnaud Leprêtre Ces témoignages me rappellent un pélerinage effectué l'année dernière avec 3000 étudiants français, où l'ambiance devient très rapidement inquiétante. Notre guide arabe a aussi été obligé de descendre du bus et a été contrôlé de très près à un check point à Bethléem; nous ne savions pas si nous allions le revoir lorsqu...'il est descendu. La rencontre et les échanges avec les étudiants palestiniens, israéliens, juifs, arabes nous a fait comprendre la tension qu'il règne là-bas. Nous avons vécu des rencontres et des moments intenses qui resteront gravés en nous !
Genevieve Flaven Bonjour, c'est voulu la Terre "Ceinte" ? cela pourrait être éventuellement intéressant comme synonyme d''encerclée", d'assiégée', 'circonscrite', mais j'ai bien peur qu'il ne s'agisse que d'une grosse faute d'orthographe;-). Amicalement. G
Humains
On a un blog à faire, les images c’est bien, mais j’y mets peu de photos, tout ce voyage pour cinq images ?
On doit faire des photos pour le Patriote, deux fois. Puis pour l’Huma à la fin.
C’est suffisant comme prétexte pour faire des photos.
Le rêve, me voila reporter international au Moyen Orient pour la presse.
Mais je m’en fous un peu.
Je suis venu ici pour que des images traversent le mur. Le premier mur est de convaincre Sîn. Je suis là pour ça, Sîn est sûrement convaincu. Pourtant mon sentiment est que ce n’est pas si sûr. Du moins pas de la même façon que moi.
Il faut que je rentre dans Sîn, comme ça on sera d’accord.
« Ici » (je ne sais pas comment nommer cet endroit), tout est profondément Humain.
J’ai la sensation que toute l’humanité est résumée « Ici ».
Je dis « Ici » car si tu dis Israël tu trahis les Arabes, ou les Palestiniens. Si tu dis Palestine, tu oublies les Arabes Israéliens Juifs et tu exclus les Juifs. Et puis certains Israéliens pense que la Palestine n’existe pas.
Toute la Foi est « Ici ». Les Hommes caressent les pierres, s’agenouillent, se prosternent, prient.
Chacun son rite, son costume, sa coutume, sa pierre ; son mur !
Jérusalem,
Au Mur des Lamentations, qui est séparé par une barrière « hommes/femmes » (comme aux toilettes) chacun y fait la même chose. Des humains-juifs parlent au Mur, d’autres, les yeux fermés, supplient. Des hommes avec costume noir et chapeau noir lisent la Tora toute la journée. On y utilise des petits papiers pour laisser des messages que l’on glisse entre deux pierres. Un service de nettoyage très efficace, passe toute la journée pour nettoyer les petits papiers tombés au sol. Je quitte les lieux et je mets ma Kipa dans ma poche, est-ce qu’avec ça sur la tête j’ai été juif quelques instants ?
Au Saint Sépulcre, les humains-catholiques, frottent des objets contre la pierre où fut déposé le corps du Christ après la crucifixion. Ils se prosternent. A part une orientation aléatoire, il est difficile de les distinguer des Musulmans. Puis font la queue pour apercevoir la tombe de Jésus. Là ils sont coincés entre le mur de la Chapelle du Tombeau et les barrières de la Police.
On ne passera pas le mur de la foule, on n’est pas assez croyants pour patienter.
Ce qui j’aime chez les Cathos, c’est qu’il y a quelques décolletés pigeonnants, c’est cool !
Pour accéder à l’esplanade des Mosquée, il faut chercher un accès au travers de petites ruelles. Au bout se trouve un barrage de l’Armée Israélienne qui t’explique d’emblée que c’est réservé aux Musulmans (comment sait-il que je ne le suis pas ? Ah oui je n’ai pas le costume). Emilien réussit à convaincre le soldat qu’il l’est. L’israélien le laisse passer. Derrière l’humain-soldat se trouve un humain-musulman. Là quelques questions précises et Emilien est recalé à l’examen, il ne passera pas. On ne passe pas le mur de l’Armée et de la Religion réunis.
Check Point de Bethlehem
L’image qui me reste, plus que le mur de 12 mètres de haut qui serpente à perte de vue, c’est l’images de ces jeunes filles vautrées au fond d’un fauteuil, dans une guérite blindée, avec un M16 sur le pubis, le tout assorti d’un regard méprisant.
Je dis bien les jeunes filles.
Les mecs sont au pire froid, des fois agressifs, au mieux sympas.
La chanson de Renaud « à part Mme Teatcher » prend un coup de vieux, il y a de plus en plus de Mme Teatcher chez les humains…
En Israël les humains-femmes font l’armée comme les humains-mecs. Ca les rends pas belles. Il ne s’agit pas d’esthétique, mais d’attitude, de regards, de commissure de lèvres. De M16 sur le pubis.
Quand on arrive dans la dernière nasse du check point, j’observe : on est en bas, les soldats en haut sur des passerelles. S’ils ouvrent le feu, il est impossible de leur échapper, chaque angle de chaque mur, est ouvert vers eux. Si tu te plaques contre un mur, les passerelles sont légèrement surplombantes pour pouvoir mitrailler en dessous. Si tous les tourniquets anti-retours se bloquent, tu crèves.
Murs,
C’est le quotidien d’un Palestinien. Il y a quelques jours, pour faire 50 m, ça nous a pris 2h30. On est resté 2h30 coincés entre des grilles, des passerelles, des tourniquets, des guérites blindées et des humains-pubis-M16.
J’ai hâte de retrouver le pubis de Gaëlle.
Ensuite on est allé participer à une manifestation d’humains-pacifistes, de protestation contre le mur à Bil’in.
Là le « mur » est en barbelés. Quand on s’est approchés on a reçu une salve des bombes lacrymogènes. Pas au ras du sol, en cloche du ciel. C’est dangereux, pas question d’en prendre une sur soi. Ensuite les humains-soldats chargent. Ca pique, je ne peux pas courir, je viens de me faire opérer du genou. Je suis le dernier. Je reste calme, je pense plus à mon asthme qu’aux soldats. Finalement les soldats ne m’atteignent pas et les lacrymos, ça dégage bien les bronches. Une jeune humain-femme (avec un pubis exempt de M16) me tend un oignon, elle me conseille de respirer à travers. C’est vachement plus doux que les gaz.
Le soir un humain-arabe-taxi nous ramène au check point de Bethlehem à 60 kms de Bil’in. Il vit à Jérusalem Est. Ici pas de mur, des colonies Israéliennes côtoient les habitations Arabes. Jérusalem a un statut particulier. Mais l’apartheid prend d’autres formes. Les salaires moyens par exemple : un Palestinien de Palestine gagne 1500 shekels par mois, un Palestinien de Jérusalem 3000, un Israélien 5000 n’importe où. 1 € = 4,7 Shekels. Autrement dit un Israélien gagne comme un français.
Mais le pire est le mur administratif. Adi (notre humain-arabe-taxi), habite Jérusalem Est, à quelques mètres d’une colonie Israélienne. Sa maison va être rasée (comme sa précédente, sa première femme est morte le lendemain du drame), il ne peux pas payer d’assurance, c’est trop cher (c’est les Israéliens qui fixent les tarifs), il a plusieurs recours (tous payants et très chers pour sa bourse), il les tente, il se ruine. Bientôt les bulldozers seront là.
La colonie humaine-israélienne est à quelques mètres, elle est pleine, il est nécessaire quelle s’agrandisse.
Tout ça est profondément humain.
Lisie est partie hier pour Manchester, elle a parlé (sans le savoir) à un humain-mossad sympa à l’aéroport et elle a été encadrée par deux humains-flics jusqu’à l’avion et ses bagages sont retenus à Francfort.
Elle n’a plus de culottes à se mettre sur le pubis. Elle trouvera sûrement en Angleterre quelques habits.
En écrivant ceci et en le publiant, je me prépare à recevoir le même humain-traitement.
Tout cela renforce ma conviction. Faire quelque chose ici, à une portée universelle. Depuis que je suis enfant j’entends parler d’Israël, de Palestine, de guerre de 6 jours (je suis né en 64), de Yasser Arafat, de Knesset, de Rabin … Ici il est plus encore urgent et important de traverser les humains-murs.
De traverser les humains.
Humain-Moïse, on va avoir besoin de tes conseils.
Je prie une Divinité.
Je deviens Humain.
Texte et photo : Olivier Baudoin
SMS de Lisie depuis Manchester
Plein 2 fouilles, encadrée par 2 agents dans l’aeroport. Avion retard 2h50min. me ss fait 1 copain ki m’a posé plein 2 questions. Il n’a pas pris l’avion. Ma valise est resté a franckfort. Il fé 15 degrés et il ya 1 tourniket anti retour ds la residence pour ma sécurité. Biz a vous take care.
Photo Olivier Baudoin
Criminels
21.07.10
A l’heure où je me mets à écrire, Lisie nous a quittés pour Manchester. On vient de recevoir un SMS de sa part : « La totale ! ». Elle fait allusion aux contrôles de sécurité qu’elle a subis à l’aéroport Ben Gorion de Tel Aviv. Nous en saurons plus demain quand nous l’aurons eue au téléphone. Merci à elle pour sa présence ces premiers jours, pour sa curiosité et son engagement dans le projet.
Ces trois derniers jours nous avons baroudé. Jenin, Jérusalem trois fois, Ramallah deux fois, Tel Aviv et bien-sur Bethléem où se trouve notre QG.
A Jenin, nous devions rencontrer Juliano Mer Khamis, le directeur du Théâtre de la Liberté établi dans le camp de réfugiés de la ville. C’est un homme à part sur ce territoire ciselé. Sa mère était juive israélienne et son père palestinien. Il est le réalisateur d’un film qui relate son aventure au côté de sa mère dans ce camp de réfugiés. Nous avons d’ailleurs pris l’habitude de diffuser ce film à la suite de nos représentations de « témoignages, compte rendu théâtral de séjours en Palestine ». Pour tout ceux qui travaillent artistiquement sur des territoires… disons sensibles, ce film est là pour nous rappeler que nos actes existent à l’intérieur d’une réalité crue souvent plus forte que toute nos tentatives pour la déjouer.
Par malchance, et bien qu’il nous ait conviés à venir, Juliano était absent. « Problèmes personnels » nous a-t-il fait savoir par SMS. C’est dommage, voire énervant, mais nous avons tout de même assisté à un filage d’une pièce de Khanafani jouée par les étudiants en théâtre de Jenin dirigés cette fois par un metteur en scène américain dont le nom m’échappe. Une expérience intéressante qui me renvoi à l’objectif de notre séjour ici : Poser les jalons de l’écriture d’une pièce alliant théâtre, danse et photographie et qui doit passer par la réalisation d’une performance aux abords du mur de séparation l’an prochain.
En rentrant de Jenin, nous nous sommes rendus une nouvelle fois dans le camp de réfugiés d’Aïda pour y faire quelques expériences dansée filmée contre le mur. Un chien crevé finissait sa putréfaction à dix mètres de nous. L’ambiance était lourde et puante et nos propositions dansées, filmées, jouées, bien peu de choses face au colosse de béton et à la puanteur de la mort. Rapidement, nos fesses par terre et nos dos contre le mur, nous entamons une longue discussion. Quel sera la place des artistes palestiniens dans cette performance ? La veille, Emilie et Lisie ont rencontré un groupe de jeunes danseurs : Diyar theater danse, dirigé par notre ami Mohamed Awwad, l’interprète de Gilgamesh dans la pièce que j’ai montée en 2004 avec des artistes français et palestiniens. Quels seront les publics de cette performance ? D’un côté du mur des palestiniens de Bethléem. Ça d’accord. Mais de l’autre côté ? Des activistes israéliens ? Le reste du monde (comme on dit au football) ? Qu’est-ce qui se jouera ? Qu’est-ce qui passera le mur et comment ? Autant dire qu’à notre retour les quelques périodes de résidences d’écriture programmées, mais difficiles à dégoter, ne seront pas de trop.
Dans l’après-midi, nous nous sommes rendus à Ramallah. La ville était noire de monde. A pied, en voiture, la circulation y est très difficile. Je me demande où était toute ces personnes en juin 2002, quand nous étions arrivés là pour la première fois et que les rues étaient vides à cause des couvres feux à répétitions et du siège du palais présidentiel où était enfermé Yasser Arafat.
Nous venons pour rencontrer le groupe de danseurs traditionnels El Funoun. Ils sont très intéressés par notre projet et souhaitent qu’on leur face des propositions précises à l’issue de notre première résidence d’écriture cet automne à l’Entrepont à Nice. Nous repartons enthousiastes avec dans la poche les billets d’entrée de leur prochaine représentation.
Ce matin, nous sommes partis pour Tel Aviv. Nous accompagnons Lisie pour son départ et avons donné rendez-vous à Omer. C’est un artiste israélien rencontré par Olivier sur Facebook. Il arrive accompagné de son épouse et une discussion d’à peu près trois heures s’engage. Nous souhaitions le rencontrer pour deux raisons. D’une part, pour son travail sur la vidéo captée et diffusée en temps réel. D’autre part, pour son témoignage entant qu’ancien soldat de l’occupation.
Il nous livre alors son histoire. Né en Israël, à 18 ans il est appelé pour effectuer son service militaire. Avec la complicité de ses parents, il met en place un scénario qui lui permettra d’être réformé et de constituer avec quelques uns de ses amis une communauté régie par un fonctionnement socialiste au sein d’un kibboutz. Lorsque ces amis sont à leur tour appelés pour leur service militaire, il fait tout pour les rejoindre et s’engage avec eux dans une troupe d’élite. Il n’aurait pu s’engager avec eux sans cacher son asthme à ses supérieurs. Mais au premier entrainement il fait une crise et se retrouve muté à Jéricho pour plusieurs mois. Nous sommes à la fin des années quatre-vingt-dix. Les accords d’Oslo sont en train de fissurer. Après quelques mois sans accros : Insouciance (inconscience), piscine et manches courtes, un officier se fait tuer juste à côté de lui par un résistant. Il demande sa mutation et se retrouve à organiser la sécurité d’une colonie israélienne en Cisjordanie. Même inconscience, même jeux décontractés entre soldats. Un jour qu’il attend un bus, un homme l’attrape par derrière et l’embrasse. Il décrit avoir ressenti ce geste comme celui d’un ami qui aurait voulu le surprendre. Dans les secondes qui suivent, l’homme actionne les explosifs qu’il porte sous ses vêtements. Après un temps indéfini, Omer se relève. La ferraille de son fusil explosé lui est entrée en plusieurs morceaux dans le dos et les bras. Il sent une odeur. Comme si quelque chose brulait. Il peine à se rendre compte qu’il s’agit de son uniforme. Il observe le corps du jeune homme estropié et s’allonge dans le sang et la chaire carbonisée pour éteindre le feu qui consume son uniforme. Il décrit le sifflement de la chaire et du sang au contact du feu. Lorsque l’armée arrive sur les lieux, il a perdu ses plaques d’identifications militaires que porte chaque soldat autour du cou. Les soldats sur place ont du mal à identifier à qui appartiennent les différents morceaux de corps humains dispersés et doutent de son identité jusqu’à ce qu’il parvienne à la prouver. A l’hôpital, il met plusieurs mois à retrouver l’ouïe et souffre de plusieurs crises de paranoïa.
Cette histoire est terrifiante.
Le jeune homme qui nous raconte ça, les avant bras scarifiés, n’est pas haineux. C’est un artiste qui nous ressemble et qui s’évertue à chercher une solution pacifiste au conflit. Nous discutons longuement et parvenons à un point où son trauma et la propagande israélienne qu’il subie depuis son plus jeune âge le pousse à nier la notion même de territoires occupés et la réalité de la colonisation. Nous bifurquons un temps et abordons la question de nos travaux artistiques respectifs pour revenir finalement sur le sujet. Pour lui et son épouse il est, par exemple, inimaginable que nous puissions en ce moment habiter à Bethléem. Pour eux, la Cisjordanie est un lieu habité seulement par des fous sanguinaires. Ils nous demandent plusieurs fois : « Vous habitez vraiment à Bethléem ? ». Ils n’y croient pas. Nous leur proposons de nous accompagner ce soir. Ils nous répondent que ce n’est pas possible, qu’ils s’y feraient tuer.
Je n’ai pas envie de les blâmer et nous reviendrons les rencontrer pour enregistrer leur témoignage. Mais ce soir en rentrant à Bethléem, nous n’avons rencontré aucun fou sanguinaire. Nous avons vu une file de quarante palestiniens au cheik-point attendant une autorisation israélienne pour rentrer chez eux. Nous sommes allés assister à une répétition de théâtre d’El Diyar Theater Danse. Nous nous sommes fait inviter à boire le thé par l’épouse de notre ami Abdel Fatah Abu Srour, directeur du Centre Culturel Al rowwad, lui-même en ce moment bloqué à la frontière jordanienne et qui nous met à disposition le rez-de-chaussée de sa maison pendant notre séjour. Nous avons rit avec son neveu trentenaire et commerçant en matériel électrique…
Combien faudra-t’il encore de jeunes gens manipulés estropiés ? Combien faudra-t’il encore de travailleurs parqués contrôlés tous les jours ? Combien de temps faudra-t’il encore attendre pour que nous décidions de faire définitivement la peau aux généraux de Tel Aviv, de Washington, de Paris ou d’ailleurs ? Criminels !
Emilien Urbach
Photo : Olivier Baudoin
Pour se renseigner sur les activités du Théâtre de la Liberté : http://www.thefreedomtheatre.org/
Pour se renseigner sur les activités d’Al Rowwad : http://alrowwad.virtualactivism.net/
Pour se renseigner sur le travail d’Omer : http://omer.arts-collective.com
Claire de Corse c est vachement long vos articles... j ai pu coche la case interessant mais pas de commentaire puisqu il faut s inscrire et j ai pas envie
(je me permet de le mettre ici)
mais quelle galere ! quel courage vous avez !!
je sais pas comment vous faites ! oliv y a pas tes enfants n est ce pas ?
...c est dramatique quand meme cette situation sociale, ah mais les pauvres palestiniens -quelle horreur- oppresses par leurs voisins (des voisins qui ont l air de bien s en sortir niveau financier niveau developpement economique, c est lamentable ce que fait le pays voisin, c est deg...
j imagine que le cote culturel, humaniste, artistique de votre demarche est motivant, quel courage (ah je l ai deja dit)
merci de nous faire partager cette experience, et bravo"